Le contrôle externalisé des comptes de gestion en mesure de protection : les enjeux

Depuis le 1er janvier 2024, la loi prévoit un mode de contrôle des comptes de gestion qui vise à moderniser et renforcer la surveillance et la transparence des comptes gérés par les tuteurs et curateurs en les soumettant à la vérification par un tiers extérieur désigné par le juge des proximités : un professionnel qualifié

L’externalisation du contrôle des comptes de gestion :

La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 a modifié l’article 512 relatif à la vérification des comptes de gestion des majeurs protégés. Le décret du 2 juillet 2024 et 2 arrêtés pris le 4 juillet 2024 publiés au JO du 6 juillet 2024 en précisent les modalités.

  • Jusqu’ici, la vérification et l’approbation des comptes était une mission confiée aux directeurs des services de greffe judiciaires.
    La désignation d’un professionnel était déjà prévue par le code civil lorsque l’importance et la composition du patrimoine de la personne protégée le justifiaient et en l’absence de subrogé tuteur/curateur, de co-tuteur/co-curateur ou de conseil de famille.
  • Désormais le juge peut désigner un organisme extérieur qui sera chargé de la vérification et de l’approbation des comptes de gestion sans que la loi ne précise de critères d’intérêt patrimonial ni de ressources.

 

Le nouveau contrôle des comptes de gestion en pratique :

Le juge des contentieux de la protection statuant en matière de tutelle désigne dans le jugement ou l’ordonnance « un professionnel qualifié pour contrôler les comptes de gestion, inscrit sur une liste prés du Procureur de la République : » : il peut s’agir d’un Notaire, un Commissaire aux comptes, un Commissaire de justice, un technicien au sein d’une société (ex : ProMaje), d’un mandataire (MJPM) ou d’un service mandataire judiciaire à la protection des majeurs (SMJPM)

  • La vérification menée n’est pas un simple contrôle comptable. Tous les actes contrôlés sont analysés au regard de la situation du majeur et de son mandataire. La conformité des actions entreprises avec les ordonnances rendues est vérifiée systématiquement.
  • Le contrôle est effectué aux frais de la personne protégée et le montant est fixé selon arrêté publié le 4 juillet 2024 en fonction des éléments constituant le patrimoine financier de la personne protégée.
  • Le représentant légal doit communiquer au professionnel qualifié nommé le Compte rnedu de gestion au plus tard le 30 juin de l’année civile ainsi que toute pièce justificative complémentaire demandée justifiée par le contrôle.
  • A l’issue de la vérification,
    • le juge et le représentant légal recevront un certificat d’approbation et la facture des honoraires sera adressé au représentant légal de la personne, les Comptes ne présentent pas de difficultés ou d’anomalies.
    • un certificat d’approbation avec réserve peut être adressé indiquant les changements qui seront à réaliser l’année suivante (ex : le solde du compte de fonctionnement trop élevé  placements à réaliser)
    • Si le compte ne peut pas être approuvé, la personne qualifiée adressera un rapport de difficulté au juge qui pourra convoquer le représentant légal.

 

Les enjeux et risques d’un contrôle « déjudiciarisé » :

Ces nouvelles mesures ne sont pas sans conséquence pour la personne protégée et son représentant légal et des interrogations persistent.

  • La réforme s’accompagne d’un transfert de la charge financière du contrôle vers les personnes protégées elles-mêmes, qui participent déjà aux frais de leur propre protection. Une aide de l’Etat pourrait-elle être demandée par le magistrat lors de l’ouverture de la mesure ?
    Les Fédérations des associations tutélaires s’émeuvent de cette nouvelle charge financière qui s’ajoute aux frais de gestion et qui s’applique au delà du seuil du montant du RSA soit 635,71€ (ce seuil est prés de 2 fois inférieurs au seuil de pauvreté établi à 1158€ par mois par les associations de lutte contre la pauvreté). De possibles voies de recours sont envisagées.
  • Le Decret du 2 juillet définit de manière large les professionnels pouvant s’inscrire sur la liste des professionnels qualifiés qui seront habilités à exercer le contrôle mais il se montre peu exigeant sur la question de la formation initiale ou le contrôle et/ou la radiation des professionnels qualifiés.
  • Enfin, et sur le plan des politiques publiques, ce contrôle externe par un professionnel qualifié s’inscrit dans un mouvement de déjudiciarisation récurrent en matière de protection des personnes majeures : « le but est d’alléger le plus possible le recours au juge » comme le mentionne la Fédération Nationale des associations tutélaires très critique sur cette externalisation du contrôle par la justice semblant sanctuariser une tendance du droit à limiter l’intervention des magistrats dans le cadre de la protection des droits et libertés des personnes protégées alors qu’ils y ont toute leur place (cf rapport annuel 2009 de la cour de cassation ou rapport de mission interministérielle de Mme Anne Caron Deglise de 2018).

 

Sources :

Article 512 du code civil et 1254 et suivants  du code de procédure civile

Décret du 2/07/2024 N° 2024-659

Arrêté du 4 juillet 2024 publiés au JO du 6 juillet 2024 fixant la rémunération du professionnel qualifié chargé du contrôle des comptes de gestion en application de l’article 512 du code civil

Arrêté du 4 juillet 2024 relatif aux modèles de compte de gestion, d’attestation d’approbation et de rapport de difficulté

FNAT : contribution relatif au projet de décret d’externalisation des comptes et relatif au projet d’arrêté sur la rémunération des professionnels qualifiés

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